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« Ma recherche se fonde en géométrie. Je travaille sur les notions de vide et de plein. Je travaille également sur les notions d’équilibre et de déséquilibre dans l’espace. »

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"Géométries Croisées 2"

Galerie Lahumière, Paris, 16 septembre - 30 octobre 2021

Nicholas Bodde, Isabelle de Gouyon Matignon, Antoine Perrot, Henri Prosi, Sigurd Rompza, Moon-Pil Shim.

 

« Mes dernières sculptures, pour l’essentiel en tôle perforée, viennent continuer une recherche initiée il y a maintenant plus de quinze ans, sur les notions de plein et de vide, sur celles également d’équilibre et de déséquilibre. Le moment présent, dans mon travail, est un moment qui, par le moyen de la perforation, construit le plein mais dans le même temps laisse passer le vide. Par l’agencement des formes, l’équilibre et le déséquilibre se trouvent ici également mis en contraste. La circulation de la lumière, en surface et au travers de la sculpture, produit un effet moiré qui vient ajouter à la complexité de la structure. Le tout s’inscrit dans une recherche, toujours plus avant, vers la légèreté, l’impesanteur, l’immatérialité, comme un écho qui, en négatif, viendrait s’opposer à l’intensité et au tumulte du temps présent. »

"Particulières"

Galerie Lahumière, Paris, 12 janvier - 23 février 2019

Marcelle Cahn, Aurelie Nemours, Ode Bertrand, Isabelle de Gouyon Matignon, quatre femmes dans l’abstraction géométrique.

 

« Aucune peinture n’a influencé ni mes études, ni mon travail, ni ma vie. J’étais trop loin des recherches de ce moment-là. J’ai seulement approfondi ma solitude »

m’écrivait Aurelie Nemours en novembre 2005. Quelques semaines plus tard elle s’éteignait. Doit-on comprendre ces paroles comme des mots écrits au seuil d’une vie ou doit-on les recevoir comme étant le chemin de chaque artiste et peut-être même de tout être humain ? Cette expression « approfondir sa solitude » rappelle qu’Aurelie Nemours était aussi poète et  prend dans cette exposition, une dimension particulière.

 

Les quatre artistes, doit-on dire les quatre femmes artistes ? présentées par la Galerie Lahumière ont en commun d’avoir choisi le langage clair et ordonné de l’art concret et minimal mais chacune dans une voie différente. Presque un siècle sépare les premières œuvres de Marcelle Cahn, dont le Tram de 1924 exposé ici et les dernières séries d’œuvres d’Ode Bertrand et d’Isabelle de Gouyon Matignon. On pourrait alors facilement être tenté de reconnaître Marcelle Cahn et Aurelie Nemours -rétrospectivement nées en 1895 et 1910- comme étant des pionnières par rapport à leurs cadettes nées en 1930 et 1964 mais il n’en est rien. En effet toutes les quatre sont des pionnières dans le sens où elles défrichent des terres inhabitées et y installent leur monde, chaque œuvre étant une terra  incognita.

Les tableaux d’Aurelie Nemours, où l’unité parfaite entre le fond et la forme laisse se déployer des jeux optiques puissants nés des couleurs choisies (Iphigénie, 1971, Astyanax, 1973), répondent à ceux de Marcelle Cahn dans lesquels, le fond n’est plus lié à la forme mais au contraire, tout blanc qu’il est, a pour fonction de servir de scène à des accords d’éléments géométriques libres et dynamiques tel un ballet constructiviste. Ainsi les peintures reliefs et les reliefs de Marcelle Cahn nous apparaissent comme autant de constellations dans lesquelles l’œil se promène tandis que chez Aurelie Nemours il est arrêté à la surface de la toile, happé, presque hypnotisé par les couleurs.

De même, les sculptures entre équilibre et déséquilibre, entre force et finesse -notamment dans leurs derniers développements en acier perforé- d’Isabelle de Gouyon Matignon, offrent un terrain de jeu propice à la dernière série consacrée au pliage d’Ode Bertrand. L’espace habité par les sculptures d’Isabelle de Gouyon Matignon se prolonge dans notre espace physique et nous accompagne, par construction mentale, dans celui d’Ode Bertrand.

Entre ces quatre artistes, les combinaisons semblent infinies et affranchies de toute notion de temps ou encore de genre car il faut souligner que l’abstraction géométrique est un mouvement qui a, dès ses origines compté en ses rangs de nombreuses femmes, un des signes de son universalité.

Ainsi l’exposition « Particulières » par la réunion de ces quatre artistes montre que l’art concret est un mouvement riche de singularités d’expression mais qu’il est aussi un mouvement en perpétuel développement qui ne semble connaître aucune limite de temps.

De fait ces quatre artistes n’ont été ou ne sont limitées par rien. Ode Bertrand ne dit-elle pas que la seule limite est celle où peut dessiner sa main ? et Isabelle de Gouyon Matignon conçoit ses sculptures de manière tout à fait empirique, elles ne naissent que de son imagination, donc là aussi pas de limites. Chacune a su, sait, approfondir sa solitude pour conquérir le monde, notre monde à nous qui ne sommes pas artistes.

 

N’ayant pas peur des mots et même des jeux de mots ; dans « Lahumière » on pourrait presque entendre « lumière », l’artiste doit continuer d’être un phare pour ordonnancer le chaos du monde.

« Il faut porter en soi un chaos pour mettre au monde une étoile dansante » écrivit Nietzsche en prologue d’Ainsi parlait Zarathoustra, alors oui, pour les artistes le chemin se fait seul, et pour nous, dans l’exposition « Particulières », formes et couleurs dansent.

 

Céline Berchiche, 21 Novembre 2018

Galerie Lahumière, Paris, 15 janvier - 27 février 2016

Exposition Galerie Lahumière 

Paris - 2016

Apparition - disparition de l’œuvre

Texte critique, Fernand Fournier, Paris 2013

 

Isabelle de Gouyon Matignon a commencé sa carrière en proposant des sculptures polygonales et géométriques, réduites le plus souvent à leurs seules structures en arêtes, ce qui peut évoquer les jeux de construction pour enfant. Comme mises à nues, ces sculptures peuvent être, sous le regard de l’observateur, traversées de part en part ; rien n’est plus facile alors que d’en suivre les nervures, d’en saisir les volumes intérieurs, en parfaite continuité avec l’espace extérieur qui les entoure, sauf dans des cas assez rares où une de leurs faces virtuelles étant occupée par une plaque de métal, la vision de l’ensemble en est diminuée.

 

Se découpant librement dans l’espace, ces polygones ont un caractère très aérien, presque à la limite de l’immatérialité. Ils donnent l’impression de flotter dans l’air, leurs assises esquissant toujours un léger déséquilibre. Le caractère aérien qu’ils possèdent et leur géométrie affirmée entrent en contradiction avec un aspect irrationnel ponctuel qui vient de ce que, toujours constitué de deux parties si imbriquées l’une dans l’autre, que la région de leurs rencontre, au premier coup d’œil, tient un peu du mystère ; et c’est ce mystère, chose curieuse, qui donne à l’œuvre sa réelle profondeur. Cette touche d’irrationalité, entourée d’ombre, pourrait être matière à interrogation, car elle est chez l’artiste comme un principe de construction, auquel jusqu’à présent aucune œuvre n’a pu échapper. Jamais mis en défaut, ce principe semble renvoyer à quelque chose d’indicible que l’artiste cherche à faire passer dans les œuvres, mais sans y parvenir totalement. On peut penser, qu’ici doit jouer une symbolique très subtile, relevant d’une forme de pudeur.

 

Plus simple, mais d’une grande pureté de ligne et d’un fini parfait, d’autres sculptures réalisées, peu après, avec des tubes d’acier de section carrée, coudés à angle droit ou obtus évoquent vaguement une écriture arabe avec ses formes contournées, labyrinthiques. Signes bizarres possédant un côté flamboyant et figés dans des positions improbables. L’assise de ces sculptures est toujours marquée par un léger déséquilibre, qui doit être un autre principe de construction chez l’artiste. Quelles soient peintes en blanc ou en rouge, rien ici ne signale dans les œuvres le point de jonction entre les deux parties qui pourtant continuent d’exister. Il a disparu, autant masqué par la profusion d’angles droits que par la complexité baroque de leurs parcours dans les œuvres.

 

Découvrant récemment les ressources de l’inox, Isabelle de Gouyon Matignon va imprimer à ses œuvres une nouvelle direction. Elle y voit la possibilité de faire presque disparaître l’œuvre dans la multiplicité des reflets dont elle est le théâtre. Pour atteindre ce résultat, il lui faut se faire aider par des artisans qui auront pour tâche de polir les œuvres jusqu’à transformer leurs surfaces en véritables miroirs. Ici commence, si nous avons bien compris l’artiste, une démarche foncièrement originale, car les fantasmagories vont envahir l’œuvre qui va se fragmenter pour répondre par réflexion aux objets ou aux paysages qui se trouvent dans le monde qui l’environne. C’est l’objet même qui perd son identité et devient dans l’œuvre traces colorées, évanescentes, purs fantômes, image d’une sensation primitive, et où tous les jeux que permet la lumière vont devenir possibles. L’imagination aidant, l’œuvre va se travestir en prenant tous les charmes de la fausse apparence. Elle pourra, selon la place qu’elle occupera dans l’espace, soit donner naissance aux effets adoucis et fondus d’un début de crépuscule enflammé par les dernières lueurs rougeoyantes d’un couchant ; soit placé en un autre lieu, elle donnera peut-être à voir les reflets du soleil noir de la mélancolie ; ailleurs, encore, ce pourra être le miroitement fugace de reflets qui s’irisent de mauve et de gris perle ; ou bien les mirages d’une intemporalité qui donne le vertige ; et, encore plus loin, on pourra deviner le lustre éblouissant des soies et de la moire, ou, pourquoi pas, une simple illumination magique. Dans ces miroirs légèrement déformés par le travail de l’artisan, Narcisse ne pourrait ni se reconnaître, ni s’admirer. Il dirait peut-être comme Valery : « Adieu, reflet perdu sur l’onde calme et close». Ce chatoiement infini de tons variés a tendance à dissoudre l’œuvre, car ses surfaces polies, aussi liquides que l’eau des miroirs du temps, ne sont plus en mesure de capter autre chose que des couleurs qui semblent glisser amoureusement sur les parois de l’œuvre en rapport avec les déplacements d’un observateur. En prenant les couleurs des objets ou du milieu où elle se trouve, l’œuvre ressemble à une monade dans laquelle pourrait se refléter tous les univers possibles. C’est, ici, la belle convergence du multiple dans l’Un. Mais l’oeuvre continue de s’exprimer, dans une abondance d’images qui, certes, ne lui appartiennent plus, et qu’elle ne fait plus qu’accueillir. Protéiforme, elle prend ainsi le statut d’une illusion, a mi-chemin entre une matérialité devenue problématique et une idéalité pure, le statut d’un être hybride et instable, très proche d’un simulacre, mais dans les limites d’une existence strictement physique qui, selon l’œuvre considérée, pourra proposer des effets visuels très différents. Reste qu’il y a dans ces œuvres un point qui est inaccessible à l’image : C’est la jonction entre ses deux parties. Ici, le mystère demeurera entier.

 

Fernand Fournier, Paris, Novembre 2013

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